La résidence en alternance

 

L’individu majeur ne peut avoir, en droit, qu’un seul domicile. Un enfant mineur peut se rendre chez l’un ou l’autre de ses deux parents séparés : son domicile doit-il rester unique ?

 

En mai 1984, la cour de cassation se prononçait contre la résidence en alternance. A l'époque, le parent qui avait la garde de l'enfant disposait aussi de l'autorité parentale, dont la Cour de cassation jugeait impossible l'exercice alterné.

 

Il a ensuite été reconnu que l’autorité parentale doit rester commune, qu’il est de l’intérêt de l’enfant d’être éduqué par ses deux parents, et qu’une résidence en alternance au domicile de chacun de ses parents séparés peut être conforme à son intérêt.

 

Depuis la loi nº 93-22 du 8 janvier 1993, les parents séparés peuvent définir eux-mêmes les modalités de la résidence de l’enfant, mais la gestion des séparations reste sous la tutelle de la Justice.

 

Plus récemment, la loi du 4 mars 2002 a prévu expressément par l’article 373-2-9 du code civil, que la résidence de l'enfant puisse être fixée en alternance au domicile de chacun des parents, ou au domicile de l'un d'eux.

 

Le pouvoir de décider d’une résidence en alternance a été étendu au juge en cas de désaccord des parents, mais certains juges y sont défavorables si un projet détaillé selon l’article 1080 NCPC n’a pas été rédigé et accepté par les deux parents Dans la réalité on peut craindre que les avantages liés à la résidence unique ne restent une incitation à la captation de l’enfant par un parent au détriment de l’autre.

 

·        En quoi la résidence en alternance serait-elle un plus ?

(le texte ci-après est extrait d’un courrier de G. Poussin à la mission d’information sur la famille. cf rapport Pécresse n° 2832 disponible sur le site de l’assemblée nationale)

 

«  .. il a été montré que les enfants en résidence alternée étaient les seuls qui ne développaient pas de relation d'emprise à la mère alors que celle-ci apparaît dans 80 % des cas dans le groupe en résidence principale maternelle sans recomposition familiale (cf Mme Van Pevenage, psychologue, Revue trimestrielle de droit familial)….

 

On ne parle pas assez de ces cas particulièrement douloureux où l'enfant pour échapper à la douleur du conflit de loyauté décide de rejeter totalement l'un de ses parents. Cela fait quinze ans que [G. Poussin] présente dans [ses] conférences des cas de ce genre. Ils sont beaucoup plus nombreux et terrifiants pour l'avenir psychologique de l'enfant qu'on ne le pense….

 

Prétendre que l'hébergement alterné est producteur de pathologie est démenti par les neuf dixièmes des études parues sur la question. S'il existe une pathologie c'est en général qu'un autre facteur est en jeu. Cela dit le fait qu'elle ne soit pas en elle-même productrice de pathologie n'indique pas que l'alternance soit sans effets négatifs dans certains cas. Un hébergement alterné peut être la meilleure des solutions, mais il peut être aussi un leurre ou pire encore un instrument de manipulation quand une pathologie du lien ne fait que s'exacerber à travers l'alternance. Il ne doit pas exister de réponse automatique, mais tout doit être fait pour qu'un enfant ne soit pas amputé d'une de ses lignées. Le principe du maintien de la possibilité de l'alternance à l'intérieur de la loi est un moyen d'y parvenir. Le but de l'alternance n'est pas de maintenir une sorte d'égalité des parents devant l'enfant : il est de permettre à ce dernier d'avoir la possibilité de maintenir un lien avec ses deux parents. La mise en cause de l'alternance est l'arbre qui cache la forêt de tous ces enfants décervelés par un parent qui cherche à les amputer d'une part de leur filiation. Dans ces cas la pathologie qui menace est beaucoup plus évidente … »

 

·         Quelle est la meilleure formule de résidence en alternance ?

 

Il semble qu’il n'y en ait pas. Chaque cas serait un cas particulier. Les deux domiciles ne devraient pas être trop éloignés. On a parfois dit, en employant une formule imagée, que les deux maisons devraient être à portée de bicyclette. Il est évidemment souhaitable qu'un dialogue entre les parents existe, le conflit risquant de créer des problèmes.

 

La séparation avec l'un des parents ne devrait pas excéder 2 ou 3 jours chez les plus petits et pas plus de 7 jours durant la période préscolaire. (G. Poussin)

 

Dans les années 1990, le chercheur Hubert Montagnier a fait des études sur l’hébergement d’enfants de parents séparés. Selon lui, le meilleur rythme serait une alternance de quinze jours chez l'un, quinze jours chez l'autre, entre-coupé d'une visite chez l'autre parent au milieu de ces quinze jours. L’enfant a besoin de temps pour s’installer, identifier ses repères, et il aurait besoin de voir chacun de ses parents au moins une fois par semaine. H. Montagnier a écrit un excellent ouvrage sur la fragilisation du lien père - enfant, édité par la caisse d'allocations familiales, mais il est difficile aujourd'hui de se procurer cet ouvrage.

 

On peut se référer à des ouvrages plus récents, disponibles en librairies.

 

·         Comment la résidence en alternance est-elle aujourd’hui appliquée ?

 

Le rapport Études et Statistiques Justice n° 23 : « les chiffres de la résidence en alternance », présente les résultats d’une enquête basée sur les décisions prises par les Juges aux Affaires Familiales en octobre 2003 en France :

- 9 % seulement des résidences sont fixées en alternance (généralement hebdomadaire),

- la « résidence en alternance » est comprise et appliquée comme étant paritaire, le partage constaté des temps d’hébergement de l’enfant est à égalité dans plus de 97 % des cas

- sur 100 résidences en alternance fixées, 95 % l'ont été sur la base d'un accord des parents.

 

Le rapport conclut en termes politiquement corrects que « le dispositif issu de la loi du 4 mars 2002 montre ses limites, dans une situation conflictuelle, la résidence en alternance a peu de chances d'être imposé par le juge ». Dit plus trivialement : la loi du 4 mars 2002 qui visait une progression significative de la co-parentalité, aboutit dans les faits, à un cul de sac.

 

Il apparaît que le choix donné par la loi de mars 02 entre deux formules trop éloignées l’une de l’autre, c’est à dire : soit une alternance comprise comme paritaire, soit une résidence exclusive (qui tend à exclure) au domicile d’un seul parent, est un obstacle à une progression vers une situation où le maintien du lien à ses deux parents soit préservé pour tous les enfants

 

9 % de décisions de « résidences en alternance » impliquent 91 % de décisions de résidences exclusives inéquitables. La Justice Familiale est une machine à fabriquer de la « famille monoparentale ».

 

Comment l’intérêt de 91 % des enfants peut-il être d’avoir deux parents dont l’un soit principal, et l’autre condamné « au nom du peuple français » à rester secondaire ?

 

·         Imposer plus de résidences alternées ?

 

Sous l’influence de professionnels infiltrés dans leurs rangs, certaines associations de pères militent  pour que la Justice impose plus de résidences alternées paritaires via un sophistication des procédures. De facto, elles militent pour le maintien de la gestion des séparations sous la tutelle de la Justice. De telles actions servent au moins les intérêts économiques des professionnels.

 

En l'état actuel du code civil (art. 373-2-9, 1er alinéa), la présence d’un seul critère défavorable à une alternance implicitement paritaire contribue à maintenir l'immense majorité des décisions judiciaires hors du champ d'application de l'alternance, en un statut de résidence exclusive au domicile d'un seul parent.

 

 

A côté des 9 % de décisions de résidences paritaires réservées à une petite minorité d’enfants, les 91 % décisions de résidence exclusive de l'enfant au domicile d'un parent doivent disparaître au profit de la notion de double domicile pour tous ceux-là. L’enfant mineur doit être totalement chez lui dans 100 % des cas, indépendamment du temps passé chez l’un ou l’autre parent.

 

Si l’hébergement chez l’un puis l’autre en une répartition égale des temps n’est pas retenu par les parents ni décidé par le juge quelles qu’en soient les raisons, le domicile de chacun des deux parents doit cependant être aussi celui de leur enfant mineur. L’enfant mineur de parents séparés doit systématiquement avoir un double domicile, de droit, hors procédure judiciaire.

 

L’intérêt des familles est à un apaisement des conflits, hors des procédures judiciaires inadaptées à la gestion des séparations familiales. Les accords directs entre parents, hors justice, doivent devenir la règle, même si ce n’est pas l’intérêt des « conseils » libéraux qui vivent des procédures produites par les conflits familiaux.

 

Si les médiateurs familiaux ou les psychiatres ne peuvent aider à résoudre les cas résiduels de désaccords de parents conflictuels, ceux-ci pourront encore demander à la justice de décider à leur place. Le rôle de la Justice n’est pas de s’immiscer dans toutes les séparations entre individus.

 

Références     

 

- Réussir la garde alternée , de Gérard Poussin psychologue et Anne Lamy, Ed. Albin Michel, 2004, 150 p. - 27 €. A quel âge ? Sous quelles conditions ? Comment l'adolescent s'adapte-t-il ? Ce livre aidera à prendre en compte les contraintes, à s'organiser pour trouver un compromis satisfaisant pour tous.

 

- L’enfant face à la séparation des parents : une solution, la résidence alternée, par Gérard Neyrand sociologue.

 

- Le vrai rôle du père  (de l'importance de la présence du père dans la toute petite enfance) de Jean Le Camus psychologue, universitaire, spécialiste du développement de l’enfant, éd. Odile Jacob,

 

- L'échec de la protection de l'enfance, de Maurice BERGER, pédopsychiatre médiatique et sans doute excessif pour qui, selon sa formule, « l'essentiel est d'aider les enfants à s'en sortir, avec ou sans leurs parents ». Bonne chance à ces enfants là !

 

- Études et Statistiques Justice n° 23 : « les chiffres de la résidence en alternance ». Pour se procurer le fascicule, voir www.justice.gouv.fr.

Résumé : Avant 2002 l’alternance était décidée dans 1,5 % seulement des divorces par consentement mutuel.

En octobre 2003  selon l'enquête, 10 % en moyenne des affaires donnent lieu à demande de résidence en alternance, qu'elle provienne de l'un des parents ou des deux, et 8,8 % des résidences ont été fixées selon cette modalité. La demande est d’autant plus faible que les procédures sont plus conflictuelles. De 16 % lors des divorces par consentement mutuel, le pourcentage décroît à 7 % lors des procédures pour faute.

Le jeune âge des enfants (7 ans en moyenne) n’est pas un obstacle à la demande conjointe des parents.

Sur 100 résidences en alternance fixées, 94,4 % l’ont été sur la base d’un accord des parents. Lorsqu’il y a désaccord entre les parents, la résidence en alternance n’est retenue par le juge que dans un quart des cas; la résidence habituelle de l’enfant est alors fixée le plus souvent chez la mère.

La résidence en alternance est comprise et appliquée comme étant paritaire (le taux de décisions de résidences en alternance avec une répartition inégale du temps  est inférieur à 3 %).

 

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