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Quelques faits & chiffres
- Réformer, ou éviter la justice ?
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Des mesures indispensables
Aujourd’hui,
on sait qu’un mariage sur deux se transformera en divorce sous la tutelle d’une
justice opaque et conflictuelle, avec l’impossibilité d’échapper au racket des
auxiliaires libéraux. Les alternatives gagnent logiquement du terrain :
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pour 270 000 mariages
et 120 000 divorces annuels, on compte environ + 70 000 nouveaux couples en
union libre et un nombre fortement croissant de nouveaux Pacs : + 40 000 en
2004, + 60 000 ( ?) en 2005, … (cf INSEE, Ministère de
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des 800.000 naissances annuelles, celles
hors mariage sont passées de 11,4 % en 1980, à 37,6 % en 1995, puis à
47,4 % en 2004. Un tiers de ces enfants verra ses parents se séparer.
On
sait que pour se construire psychiquement, l'enfant a besoin de ses deux
parents, à savoir d'une mère-femme et d'un père-homme (lire par exemple J. Le
Camus : Le père éducateur du jeune enfant) , et on constate que la société n’a
pas les moyens de se substituer aux deux parents comme éducateurs de leurs
enfants.
La
loi du 4 mars 2002 sur l’autorité parentale prétendait renforcer la coparentalité,
mais elle continue de faire prospérer la « famille
monoparentale » : dans 80 % des divorces, la justice décide pour
l’enfant une résidence exclusive au domicile de la mère, et dévalorise le père
à qui elle accorde un simple « droit de visite ».
La
loi du 26 mai 2004 prétendait pacifier le divorce, mais les privilèges des
corporations qui prospèrent sur la multiplication des conflits familiaux ont
été sauvegardés. Le divorce pour faute, véritable fléau social est maintenu.
L’examen
des statistiques, l’absence de références, et les conseils logiquement partiaux
des professionnels intéressés par les procédures génératrices d’honoraires,
incitent les épouses (80 % des demandes) à rechercher l’arbitrage du JAF.
Les
lois ont des effets bizarres. La loi du 26 mai 2004 sur le divorce a subitement
fait chuter la fréquence des plaintes d’abus sexuels sur enfants, pour faire
augmenter d’autant celles pour violences conjugales. L’article n° 220-1
introduit par la loi du 26 mai 2004 donne la possibilité de faire expulser
immédiatement du domicile conjugal le conjoint accusé de violence. Dans le
domaine de la justice familiale, les fausses accusations sont très peu
condamnées.
D’autres
statistiques sont peu glorieuses. Sur l'ensemble des enfants dont la résidence
unique est chez la mère (chiffres 1994, encore d’actualité) :
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20 % voient leur père
toutes les semaines
-
20 % tous les 15 jours
-
5 % 1 fois par mois
-
18 % moins d'une fois
par mois
-
24 % ne le voient plus
du tout
75 % des délinquants juvéniles
proviennent des « familles monoparentales »
Sources
·
INED, CNAF, INSEE
·
Rapports et ouvrages de Irène THERY, et d’autres sociologues
·
ministère de
·
La presse (Alternatives
économiques, Le Monde, L’Express, le Point, …)
·
www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i2832_t2.asp 2006 - Rapports / famille & droit des
enfants, voir les tomes 1 et 2
·
www.senat.fr/rap/r05-388/r05-388.html 2006 - Rapport Sénat / droits des femmes et
l'égalité des chances hommes / femmes.
Commentaire : À
l'exception de barèmes indicatifs des pensions, de façon curieuse aucune des 13
autres recommandations du rapport ne va dans le sens de l'apaisement des
conflits familiaux créés ou entretenus par le système judiciaire.
Notes
Le Ministre de la famille,
27/02/01 «… La fixation du montant des
pensions alimentaires génère un contentieux important et coûteux... Chaque
année, environ 40 000 procédures d’après divorce ne portent que sur la question
de la pension alimentaire… »
Irène
Théry : Rapport à la ministre de l’Emploi et de
« L'Ecole
Nationale de le Magistrature est une spécificité française (créée en 1958 par
M. Debré). Il y a un esprit de caste, des promotions, un Syndicat de
Etre juge est un métier recherché « … On avoue
facilement des motivations qu'on cachait auparavant. D'abord le salaire
confortable : 2400 euros nets par mois lors de la première affectation, 4000
euros environ au bout de dix ans, jusqu'à 7600 euros en fin de carrière avec
parfois appartement et voiture de fonction. Une relative liberté, avec neuf
semaines de vacances par an. Et enfin, le statut social d'une fonction qui
suscite encore le respect sinon la crainte. … » (cf. Le Monde 2, n° 38, nov. 04)
Lors
d’un divorce, le Juge aux Affaires Familiales (JAF) est obligatoire, tout comme
l’avocat aux honoraires libres, face au client assujetti à l’appareil
judiciaire. Le JAF décidera au-dessus des ex-époux
déresponsabilisés, dans un contexte qu’il ne maîtrise pas. Son problème
tient en un chiffre : il traite en moyenne chaque mois 140 à 200 nouveaux
dossiers, qu’il lui serait impossible de traiter s’il consacrait à chacun le
temps nécessaire à leur compréhension.
Bien
que trop rapidement préparée et nécessairement expédiée, la décision du juge
est définitive parce qu’il n’aura pas le temps de la reprendre. Elle est donc
réputée « bonne ». La situation de chacun évoluera par la suite, mais
la décision judiciaire est figée. Sauf à en accepter les conséquences, les
parents subiront une nouvelle procédure lourde pour tenter de faire évoluer la
précédente décision quand son inadaptation posera problème, avec un résultat
aussi incertain. Le caractère imprévisible des décisions provoquera à nouveau
les manœuvres immanquablement conflictuelles, les incompréhensions, les
rancœurs et les frustrations.
En
effet, par delà son caractère aléatoire propre à déstabiliser le justiciable,
on constate que la décision judiciaire encourage le fait accompli, pénalise les
attitudes conciliantes, encourage les attitudes rouées et les manipulations
cachées, encourage la dépense du parent « résident » lui faisant espérer,
sous motif d’ « équité », obtenir du parent visiteur marginalisé une pension
plus élevée, … avec toutefois une tendance forte : le
juge accède à la demande des mères dans 80 % des cas, ce qui
explique sans doute la proportion élevée de divorces demandés par elles : 80 %.
Chaque JAF, chaque mois, traite
140 à 200 nouveaux dossiers.
Dans
le prétoire, une nouvelle audience succède rapidement à la précédente. Le juge
semble écouter quelques minutes les exposés plus ou moins convenus et confus
des avocats qui vivent de la multiplication des procédures. Dans un
environnement qu’il ne maîtrise pas, le juge est comme un petit monarque,
entouré de sa cour d’initiés contraints à la flatterie et à la manipulation,
dans une ambiance ambiguë faite de connivence, d’hostilité, de calculs
intéressés et de jalousies. Il n’aura souvent d’autre choix que prendre une
décision basée sur sa conviction, ses habitudes, ou son humeur. Après quelques
années, ce mode de fonctionnement risque de faire naître chez lui un sentiment
de toute puissance, qui peut l’amener à imaginer qu’une lecture superficielle
du dossier lui suffit…
Le
diplôme de l’ENM acquis à 23 ans est-il une garantie de qualité ? Le juge
est-il un sur-homme, capable de boucler chacun de ses 140 à 200 nouveaux dossiers
mensuels après une lecture superficielle ?
Fait-il confiance, en une délégation de facto du jugement, aux
auxiliaires de justice ? Les deux avocats, soucieux de rentabilité, se
sont-ils implicitement entendus sur le dos du client dans le sens de leur
business commun ? L’enquêteur social n’a-t-il pas conclu dans le sens souhaité
par celui qui l’a désigné ? En
théorie, l’enquêteur a toute liberté, mais s'il contredit les attentes du juge,
il n'est pas sûr d'être désigné la fois suivante …
Le
magistrat Alain BRUEL écrivait en 1997 « … chargé d'un contentieux de
masse de plus en plus absorbant, le juge aux affaires familiales est empêtré
dans des conflits où les stratégies et contre-stratégies des plaideurs, le jeu
de la théorie des preuves donnent à l'intérêt de l'enfant des couleurs parfois
insolites. »
Pour accélérer la procédure, l’avocat sera souvent
tenté de présenter la demande, noyée sous un fatras d’attendus, destinés à
détourner l’attention du client gogo et à faciliter la décision prise à
l’emporte-pièce par le juge. Une première décision inadaptée entraînera de
futures procédures, ce qui est bon pour le chiffre d’affaires. On évitera
autant que possible de laisser le parent lésé s’exprimer, car n’ayant dit
mot, il aura consenti. Ainsi, la
décision du juge sera conforme au droit, qui lui permet de décider de façon
expéditive en son « pouvoir souverain d’appréciation », selon une
« équité » subjective et sans limite, « au nom du peuple
français ».
Après de telles parodies, qui recherche, comptabilise
et tente de corriger les nombreuses erreurs nécessairement commises ?
La
réponse silencieuse de
Si
nous ouvrons les yeux, nous voyons une justice inadaptée au traitement des séparations
familiales, une justice flanquée d’auxiliaires intéressés dans une confusion
des genres, pleine de morgue, rigide, opaque, s’appuyant sur un concept
d’équité subjective en lieu et place de références connues, source de
dysfonctionnements et d’erreurs qu’elle refuse d’admettre.
Dire
ou croire que
Le système judiciaire est une
machine à fabriquer de la « monoparentalité »
Face
aux professionnels libéraux intéressés par les retombées du conflit, le juge
consciencieux est le plus souvent dans l’incapacité de protéger l’intérêt de
l’enfant ; il lui reste à se protéger lui-même par l’application formelle
d’un droit dont la logique restera incompréhensible aux yeux des parents non
initiés.
Alors, éviter la justice ?
Dans
un contexte favorable, une bonne grille de simples barèmes serait-elle plus
efficace que nos JAF diplômés assistés d’une armée d’auxiliaires
? La réponse est clairement oui.
Les
problèmes d’argent étant résolus, il ne reste généralement que les problèmes
pathologiques. Au Canada par exemple, la simple publication de barèmes a
produit des résultats spectaculaires, en permettant aux parents, disposant de
références, d’éviter de nombreuses procédures judiciaires désormais
inutiles :
« Dans les cas de divorce au Canada en
2002 où les droits de garde ont été déterminés par voie de procédure judiciaire,
la garde a été accordée :
-
à l'épouse
dans 49,5 % des cas (1988 : 75,8 %).
-
à l'époux
dans 8,5 % des cas (1986 : 15 %).
-
conjointement à
l'époux et à l'épouse dans 41,8 % des cas (garde partagée, pas nécessairement
de temps égal).
35 % de tous les cas de rupture au Québec font
aujourd'hui l'objet d'un jugement devant les tribunaux. De ce nombre, environ
15 % seulement exigent qu'un juge ait à trancher. » (cf. dossier
Arte le 22 mars 2005 « Quand les pères se vengent », citant Le
Quotidien, 4 mai 2004, Statistique Canada)
En
réclamant avant tout une augmentation des moyens de la justice familiale et une
sophistication des procédures, les professionnels des conflits familiaux
défendent leurs propres intérêts.
Dans les familles séparées de nombreux pères
souhaitent, ou accepteraient de s’occuper davantage de leurs enfants. La
société doit les encourager à le faire, plutôt que les stigmatiser de façon
quasi systématique.
Les parents séparés doivent pouvoir redevenir les
acteurs des décisions intéressant leurs vies, comme cela se fait par exemple en
Suède, sans devoir subir la tutelle d'une justice inadaptée à la gestion des
millions de séparations familiales.
Des mesures simples permettant de mieux responsabiliser les deux parents
et d’apaiser les conflits liés à une séparation, peuvent et doivent être prises
:
1. Depuis
octobre 2010, des barèmes indicatifs des pensions sont publiés. Ceci devrait faciliter l’élaboration d’accords
entre parents sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, mais un obstacle
majeur subsiste : c’est le choix proposé entre deux modes opposés l’un à
l’autre de résidence de l’enfant, que sont la résidence en alternance chez l’un
puis l’autre parent, ou la résidence chez un seul d’entre eux.
2. Le domicile de l’enfant mineur doit devenir
double de droit, indépendamment du partage de son temps d’hébergement chez
l’un et l’autre de ses parents séparés, dans la mesure où ses père et mère sont
tous deux investis de l’autorité parentale
L’article
373-2-9 du code civil modifié par la loi du 4 mars 2002 ainsi
rédigé : « …la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance
au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux…. », donne à choisir entre deux modes de résidence de l’enfant
tellement différents dans leurs implications, que ce choix est la source de
très nombreux conflits et problèmes.
Le statut de résidence unique de l’enfant chez un seul
parent est très criticable, parce que:
-
il
est totalement discriminatoire pour l’autre parent ,
-
il
est contraire à l’intérêt de l’enfant qui ne devrait jamais être
« visiteur » chez l’autre parent ainsi marginalisé ,
-
en écartant une majorité de pères de leurs enfants, les 85% de décisions
de résidence unique chez la mère contribuent à augmenter le nombre de
« familles monoparentales ».
Une décision judiciaire de
domiciliation de l’enfant chez un seul parent ne devrait être acceptable qu’en
cas de défaillance de l’autre parent. L’article
CC n° 373-2-9 doit être modifié.
3. Les accords directs entre
parents, qui sont le mode normal d'organisation de l'autorité parentale,
doivent être privilégiés et reconnus par toutes les administrations.
Les accords directs entre
parents sont le mode normal d'organisation de l'autorité parentale. De nombreux
parents divorcés ou séparés l’ignorent et présentent des demandes judiciaires
évitables. Les parents sont les personnes les mieux placées pour définir et
faire évoluer selon les circonstances, le partage des temps d’hébergement de
l'enfant et les pensions compensatrices associées. La suppression du blocage
que constitue le statut de résidence unique, l’existence de barèmes et une
meilleure reconnaissance des accords entre parents, faciliteront l'évolution de
ces accords selon les besoins : c’est essentiellement le curseur du
partage des temps d’hébergements que l’on poussera plus ou moins loin.
4. Une médiation doit être mise en place à l’ouverture
de procédures judiciaires, dans le but de rechercher la convention d’accord que
les deux parents n’auront su établir sans aide extérieure.
La suppression des causes de conflits qui peuvent être supprimés,
ajoutée à la suppression de l’intérêt de l’engagement d’une procédure dont on
saura qu’elle n’apportera pas d’avantage significatif, incitera la plupart des
intéressés à rechercher la solution juste adaptée à leurs problèmes.
Pour la minorité qui privilégiera encore le conflit judiciaire, un
médiateur peut apporter l’éclairage qui pourrait manquer à l’un ou l’autre des
parents.
Nous
estimons que l’intérêt de l’enfant comme celui de ses parents et de la société,
sont dans la prévention du conflit, plutôt que dans un recours systématique au
système judiciaire.
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