Proposition de modification du site 08/10/04

La justice familiale est inadaptée

-      Quelques faits & chiffres

-      Réformer, ou éviter la justice ?

-      Des mesures indispensables

 

Quelques faits et chiffres

 

Aujourd’hui, on sait qu’un mariage sur deux se transformera en divorce sous la tutelle d’une justice opaque et conflictuelle, avec l’impossibilité d’échapper au racket des auxiliaires libéraux. Les alternatives gagnent logiquement du terrain :

 

-          pour 270 000 mariages et 120 000 divorces annuels, on compte environ + 70 000 nouveaux couples en union libre et un nombre fortement croissant de nouveaux Pacs : + 40 000 en 2004, + 60 000 ( ?) en 2005, …  (cf INSEE, Ministère de la Justice)

-          des 800.000 naissances annuelles, celles hors mariage sont passées de 11,4 % en 1980, à 37,6 % en 1995, puis à 47,4 % en 2004. Un tiers de ces enfants verra ses parents se séparer.

 

On sait que pour se construire psychiquement, l'enfant a besoin de ses deux parents, à savoir d'une mère-femme et d'un père-homme (lire par exemple J. Le Camus : Le père éducateur du jeune enfant, et on constate que la société n’a pas les moyens de se substituer aux deux parents comme éducateurs de leurs enfants.

 

La loi du 4 mars 2002 sur l’autorité parentale prétendait renforcer la coparentalité, mais elle continue de faire prospérer la « famille monoparentale » : dans 80 % des divorces, la justice décide pour l’enfant une résidence exclusive au domicile de la mère, et dévalorise le père à qui elle accorde un simple « droit de visite ».

 

La loi du 26 mai 2004 prétendait pacifier le divorce, mais les privilèges des corporations qui prospèrent sur la multiplication des conflits familiaux ont été sauvegardés. Le divorce pour faute, véritable fléau social est maintenu.

 

L’examen des statistiques, l’absence de références, et les conseils logiquement partiaux des professionnels intéressés par les procédures génératrices d’honoraires, incitent les épouses (80 % des demandes) à rechercher l’arbitrage du JAF.

 

Les lois ont des effets bizarres. La loi du 26 mai 2004 sur le divorce a subitement fait chuter la fréquence des plaintes d’abus sexuels sur enfants, pour faire augmenter d’autant celles pour violences conjugales. L’article n° 220-1 introduit par la loi du 26 mai 2004 donne la possibilité de faire expulser immédiatement du domicile conjugal le conjoint accusé de violence. Dans le domaine de la justice familiale, les fausses accusations sont très peu condamnées.

 

D’autres statistiques sont peu glorieuses. Sur l'ensemble des enfants dont la résidence unique est chez la mère (chiffres 1994, encore d’actualité) :

-        20 % voient leur père toutes les semaines

-        20 % tous les 15 jours

-          5 % 1 fois par mois

-        18 % moins d'une fois par mois

-        24 % ne le voient plus du tout

 

75 % des délinquants juvéniles proviennent des « familles monoparentales »

 

Sources 

·         INED, CNAF, INSEE

·         Rapports et ouvrages de Irène THERY, et d’autres sociologues

·         ministère de la Justice www.justice.gouv.fr , 

·         La presse (Alternatives économiques, Le Monde, L’Express, le Point, …)

·         www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i2832_t2.asp   2006 - Rapports / famille & droit des enfants, voir les tomes 1 et 2

·         www.senat.fr/rap/r05-388/r05-388.html   2006 - Rapport Sénat / droits des femmes et l'égalité des chances hommes / femmes.

Commentaire : À l'exception de barèmes indicatifs des pensions, de façon curieuse aucune des 13 autres recommandations du rapport ne va dans le sens de l'apaisement des conflits familiaux créés ou entretenus par le système judiciaire.

Notes

Le Ministre de la famille, 27/02/01 «… La fixation du montant des pensions alimentaires génère un contentieux important et coûteux... Chaque année, environ 40 000 procédures d’après divorce ne portent que sur la question de la pension alimentaire… » 

 

Irène Théry : Rapport à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au ministre de la Justice « Couple, Filiation et Parenté Aujourd’hui »: «.. la fixation de la pension alimentaire apparaît subjective et aléatoire, les parents ne sont pas informés des mécanismes de fixation, ils ignorent souvent qu’ils pourraient la fixer eux-mêmes et forment des demandes judiciaires qui pourraient être évitées. 

 

 

Faut-il réformer la justice familiale ?

 

La France compte 7.675 magistrats (dont environ 600 JAF ?), 42.609 avocats, 13.000 experts, … (cf www.justice.gouv.fr > Statistiques > Chiffres clés, an 2004).

 

« L'Ecole Nationale de le Magistrature est une spécificité française (créée en 1958 par M. Debré). Il y a un esprit de caste, des promotions, un Syndicat de la Magistrature. Le recrutement est à 90 % scolaire. C'est une caste disposant d'énormes pouvoirs bâtie sur une peau d'âne acquise à 23 ans par des jeunes gens et maintenant surtout par des jeunes filles ». (cf R. Fauroux & B Spitz : « Notre état » , édition  éd. R. Laffont, 2000 )

 

Etre juge est un métier recherché « … On avoue facilement des motivations qu'on cachait auparavant. D'abord le salaire confortable : 2400 euros nets par mois lors de la première affectation, 4000 euros environ au bout de dix ans, jusqu'à 7600 euros en fin de carrière avec parfois appartement et voiture de fonction. Une relative liberté, avec neuf semaines de vacances par an. Et enfin, le statut social d'une fonction qui suscite encore le respect sinon la crainte. … »  (cf. Le Monde 2, n° 38, nov. 04)

 

Lors d’un divorce, le Juge aux Affaires Familiales (JAF) est obligatoire, tout comme l’avocat aux honoraires libres, face au client assujetti à l’appareil judiciaire. Le JAF décidera au-dessus des ex-époux déresponsabilisés, dans un contexte qu’il ne maîtrise pas. Son problème tient en un chiffre : il traite en moyenne chaque mois 140 à 200 nouveaux dossiers, qu’il lui serait impossible de traiter s’il consacrait à chacun le temps nécessaire à leur compréhension.

 

Bien que trop rapidement préparée et nécessairement expédiée, la décision du juge est définitive parce qu’il n’aura pas le temps de la reprendre. Elle est donc réputée « bonne ». La situation de chacun évoluera par la suite, mais la décision judiciaire est figée. Sauf à en accepter les conséquences, les parents subiront une nouvelle procédure lourde pour tenter de faire évoluer la précédente décision quand son inadaptation posera problème, avec un résultat aussi incertain. Le caractère imprévisible des décisions provoquera à nouveau les manœuvres immanquablement conflictuelles, les incompréhensions, les rancœurs et les frustrations.

 

En effet, par delà son caractère aléatoire propre à déstabiliser le justiciable, on constate que la décision judiciaire encourage le fait accompli, pénalise les attitudes conciliantes, encourage les attitudes rouées et les manipulations cachées, encourage la dépense du parent « résident » lui faisant espérer, sous motif d’ « équité », obtenir du parent visiteur marginalisé une pension plus élevée, … avec toutefois une tendance forte : le juge accède à la demande des mères dans 80 % des cas, ce qui explique sans doute la proportion élevée de divorces demandés par elles : 80 %.

 

Chaque JAF, chaque mois, traite 140 à 200 nouveaux dossiers.

 

Dans le prétoire, une nouvelle audience succède rapidement à la précédente. Le juge semble écouter quelques minutes les exposés plus ou moins convenus et confus des avocats qui vivent de la multiplication des procédures. Dans un environnement qu’il ne maîtrise pas, le juge est comme un petit monarque, entouré de sa cour d’initiés contraints à la flatterie et à la manipulation, dans une ambiance ambiguë faite de connivence, d’hostilité, de calculs intéressés et de jalousies. Il n’aura souvent d’autre choix que prendre une décision basée sur sa conviction, ses habitudes, ou son humeur. Après quelques années, ce mode de fonctionnement risque de faire naître chez lui un sentiment de toute puissance, qui peut l’amener à imaginer qu’une lecture superficielle du dossier lui suffit…

 

Le diplôme de l’ENM acquis à 23 ans est-il une garantie de qualité ? Le juge est-il un sur-homme, capable de boucler chacun de ses 140 à 200 nouveaux dossiers mensuels après une lecture superficielle ?  Fait-il confiance, en une délégation de facto du jugement, aux auxiliaires de justice ?  Les deux avocats, soucieux de rentabilité, se sont-ils implicitement entendus sur le dos du client dans le sens de leur business commun ? L’enquêteur social n’a-t-il pas conclu dans le sens souhaité par celui qui l’a désigné ?  En théorie, l’enquêteur a toute liberté, mais s'il contredit les attentes du juge, il n'est pas sûr d'être désigné la fois suivante 

 

Le magistrat Alain BRUEL écrivait en 1997 « … chargé d'un contentieux de masse de plus en plus absorbant, le juge aux affaires familiales est empêtré dans des conflits où les stratégies et contre-stratégies des plaideurs, le jeu de la théorie des preuves donnent à l'intérêt de l'enfant des couleurs parfois insolites. »

 

Pour accélérer la procédure, l’avocat sera souvent tenté de présenter la demande, noyée sous un fatras d’attendus, destinés à détourner l’attention du client gogo et à faciliter la décision prise à l’emporte-pièce par le juge. Une première décision inadaptée entraînera de futures procédures, ce qui est bon pour le chiffre d’affaires. On évitera autant que possible de laisser le parent lésé s’exprimer, car  n’ayant dit mot, il aura consenti. Ainsi, la décision du juge sera conforme au droit, qui lui permet de décider de façon expéditive en son « pouvoir souverain d’appréciation », selon une « équité » subjective et sans limite, « au nom du peuple français ».

 

Après de telles parodies, qui recherche, comptabilise et tente de corriger les nombreuses erreurs nécessairement commises ?

 

La réponse silencieuse de la Justice est qu’elle ne se trompe pas. Question de crédibilité. Christian Ranucci en a fait l’amère expérience. Une fois la décision prise, le juge répugne à changer d’avis. Le simple fait de persévérer dans le même sens que précédemment conforte à la fois la décision, et le collègue qui l’a prise. En pratique, la justice n’a ni le temps, ni les moyens, de traiter correctement les trop nombreuses affaires familiales qu’on lui demande de traiter. Et puis, ce sont les autres qui supportent les conséquences de ses décisions. Outreau est dans la logique de ces constats.

 

Si nous ouvrons les yeux, nous voyons une justice inadaptée au traitement des séparations familiales, une justice flanquée d’auxiliaires intéressés dans une confusion des genres, pleine de morgue, rigide, opaque, s’appuyant sur un concept d’équité subjective en lieu et place de références connues, source de dysfonctionnements et d’erreurs qu’elle refuse d’admettre.

 

Dire ou croire que la Justice Familiale protège l’intérêt de l’enfant, relève du mensonge ou de l’illusion. Le droit actuel du divorce favorise l'exacerbation des conflits familiaux au bénéfice de quelques-uns.

 

Le système judiciaire est une machine à fabriquer de la « monoparentalité »

 

Face aux professionnels libéraux intéressés par les retombées du conflit, le juge consciencieux est le plus souvent dans l’incapacité de protéger l’intérêt de l’enfant ; il lui reste à se protéger lui-même par l’application formelle d’un droit dont la logique restera incompréhensible aux yeux des parents non initiés.

 

Alors, éviter la justice ?

 

Dans un contexte favorable, une bonne grille de simples barèmes serait-elle plus efficace que nos JAF diplômés assistés d’une armée d’auxiliaires ? La réponse est clairement oui.

 

Les problèmes d’argent étant résolus, il ne reste généralement que les problèmes pathologiques. Au Canada par exemple, la simple publication de barèmes a produit des résultats spectaculaires, en permettant aux parents, disposant de références, d’éviter de nombreuses procédures judiciaires désormais inutiles :

 « Dans les cas de divorce au Canada en 2002 où les droits de garde ont été déterminés par voie de procédure judiciaire, la garde a été accordée :

-          à l'épouse dans 49,5 % des cas (1988 : 75,8 %).

-          à l'époux dans 8,5 % des cas (1986 : 15 %).

-          conjointement à l'époux et à l'épouse dans 41,8 % des cas (garde partagée, pas nécessairement de temps égal).

35 % de tous les cas de rupture au Québec font aujourd'hui l'objet d'un jugement devant les tribunaux. De ce nombre, environ 15 % seulement exigent qu'un juge ait à trancher. »  (cf. dossier Arte le 22 mars 2005 « Quand les pères se vengent », citant Le Quotidien, 4 mai 2004, Statistique Canada)
 

En réclamant avant tout une augmentation des moyens de la justice familiale et une sophistication des procédures, les professionnels des conflits familiaux défendent leurs propres intérêts.

 

 

Quelles mesures seraient utiles ?

 

Dans les familles séparées de nombreux pères souhaitent, ou accepteraient de s’occuper davantage de leurs enfants. La société doit les encourager à le faire, plutôt que les stigmatiser de façon quasi systématique.

 

Les parents séparés doivent pouvoir redevenir les acteurs des décisions intéressant leurs vies, comme cela se fait par exemple en Suède, sans devoir subir la tutelle d'une justice inadaptée à la gestion des millions de séparations familiales.

 

Des mesures simples permettant de mieux responsabiliser les deux parents et d’apaiser les conflits liés à une séparation, peuvent et doivent être prises :

 

1.  Depuis octobre 2010, des barèmes indicatifs des pensions sont publiés.  Ceci devrait faciliter l’élaboration d’accords entre parents sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, mais un obstacle majeur subsiste : c’est le choix proposé entre deux modes opposés l’un à l’autre de résidence de l’enfant, que sont la résidence en alternance chez l’un puis l’autre parent, ou la résidence chez un seul d’entre eux.

 

2. Le domicile de l’enfant mineur doit devenir double de droit, indépendamment du partage de son temps d’hébergement chez l’un et l’autre de ses parents séparés, dans la mesure où ses père et mère sont tous deux investis de l’autorité parentale

 

L’article 373-2-9 du code civil modifié par la loi du 4 mars 2002  ainsi rédigé : « …la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux…. », donne à choisir entre deux modes de résidence de l’enfant tellement différents dans leurs implications, que ce choix est la source de très nombreux conflits et problèmes.

 

Le statut de résidence unique de l’enfant chez un seul parent est très criticable, parce que:

-          il est totalement discriminatoire pour l’autre parent ,

-          il est contraire à l’intérêt de l’enfant qui ne devrait jamais être « visiteur » chez l’autre parent ainsi marginalisé ,

-          en écartant une majorité de pères de leurs enfants, les 85% de décisions de résidence unique chez la mère contribuent à augmenter le nombre de « familles monoparentales ».

 

Une décision judiciaire de domiciliation de l’enfant chez un seul parent ne devrait être acceptable qu’en cas de défaillance de l’autre parent. L’article CC n° 373-2-9 doit être modifié.

 

3.  Les accords directs entre parents, qui sont le mode normal d'organisation de l'autorité parentale, doivent être privilégiés et reconnus par toutes les administrations.

 

Les accords directs entre parents sont le mode normal d'organisation de l'autorité parentale. De nombreux parents divorcés ou séparés l’ignorent et présentent des demandes judiciaires évitables. Les parents sont les personnes les mieux placées pour définir et faire évoluer selon les circonstances, le partage des temps d’hébergement de l'enfant et les pensions compensatrices associées. La suppression du blocage que constitue le statut de résidence unique, l’existence de barèmes et une meilleure reconnaissance des accords entre parents, faciliteront l'évolution de ces accords selon les besoins : c’est essentiellement le curseur du partage des temps d’hébergements que l’on poussera plus ou moins loin.

 

4. Une médiation doit être mise en place à l’ouverture de procédures judiciaires, dans le but de rechercher la convention d’accord que les deux parents n’auront su établir sans aide extérieure.

 

La suppression des causes de conflits qui peuvent être supprimés, ajoutée à la suppression de l’intérêt de l’engagement d’une procédure dont on saura qu’elle n’apportera pas d’avantage significatif, incitera la plupart des intéressés à rechercher la solution juste adaptée à leurs problèmes.

 

Pour la minorité qui privilégiera encore le conflit judiciaire, un médiateur peut apporter l’éclairage qui pourrait manquer à l’un ou l’autre des parents.

 

Nous estimons que l’intérêt de l’enfant comme celui de ses parents et de la société, sont dans la prévention du conflit, plutôt que dans un recours systématique au système judiciaire.

 

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